JAN FABRE
CRÉATIONS danse / théâtre / arts visuels / PERFORMANCE
EN RÉSIDENCE DE CRÉATION
RESURREXIT CASSANDRA
Les représentations de la création The Fluid Force of Love ont dû être annulées à cause de la situation sanitaire. On vous préparait aussi une surprise avec la re-création et 1ère française du solo de Stella Höttler Resurrexit Cassandra pendant la même période, mais l’actualité nous a rattrapés…
Malgré tout, le tant attendu Jan Fabre revient à Bonlieu en résidence de création pour les deux pièces, du 2 au 8 avril ! Les artistes sont toujours au travail, nous sommes là pour les soutenir et les accompagner, et nous espérons vivement pouvoir partager avec vous ces deux nouvelles pièces ultérieurement.
Création
The Fluid Force Of Love
L’immense Jan Fabre, monstre sacré des arts visuels et de la scène, vient répéter et vous présenter en première mondiale sa nouvelle pièce ! Il lance ses neuf interprètes débridés à la poursuite de l’essence même de l’amour. Danser la liberté d’être soi, accueillir le mystère de la transformation, louer la fluidité de notre identité humaine. Les multiples formes de sensualité hors norme sont sublimées par cet artiste inclassable, surprenant, transgressif. Une création attendue avec impatience qui s’annonce… décoiffante !
Qui sommes-nous, au juste ? Qui aimons-nous vraiment ? Et comment ? À l’heure des coming out libérateurs qui invitent à affirmer enfin notre identité profonde, sortir du placard reste un acte radical. Jan Fabre répond à l’étiquetage de nos sexualités par un humour débridé et folâtre, proche des Monty Python. Dépliant l’éventail fascinant de tous les amours possibles, des fantasmes singuliers, il renverse la bien-pensance, érige un éloge à la liberté d’aimer, vitale et insaisissable, comme le fluide nécessaire dont nous sommes tous faits. En faisant voltiger l’absurde, le sérieux et l’hilarant, le grand maître de la scène européenne nous bouscule à grands coups de burlesque. Attention, les « Guerriers de la beauté » sortent du placard !
Re-création et 1ère française
Resurrexit Cassandra
Le solo Resurrexit Cassandra s’articule autour de la résurrection d’un messie féminin, Cassandre. Le texte a été écrit par l’auteur italien renommé Ruggero Cappuccio, la musique originale composée par le jeune compositeur français Arthur Lavandier, et le concept, la mise en scène, la scénographie et l’éclairage sont signés Jan Fabre.
Cassandre est prêtresse, chamane, sainte femme et prophétesse de l’avenir. Elle aurait pu sauver le monde tant de fois déjà. Elle aurait pu éviter le massacre de la fière ville de Troie, anéantie dans un océan de feu, sous les pleurs et les hurlements des femmes violées et des hommes égorgés. Elle avait prédit le funeste destin de sa mère, le terrible périple d’Ulysse, le meurtre d’Agamemnon qui l’enleva à Troie pour en faire son esclave et sa maîtresse, sa propre mort… Cassandre murmure, gémit et se larmoie, elle répète ce qu’elle sait déjà depuis si longtemps, mais personne ne l’écoute, personne ne la croit…
Cassandre renaît de la mythologie grecque, et de la propre création de Fabre, Mount Olympus. To glorify the cult of tragedy. Elle émerge de son tombeau universel, de la nature qui l’a nourrie en son sein pendant des siècles, et se pare des éléments. Elle est le brouillard et la rosée. Elle est le vent. Elle est la fumée et le feu. Elle est la vapeur. Elle est la pluie. À travers la performeuse habitée Stella Höttler, que nous avons déjà vu dans Belgian rules et Mount Olympus, Cassandre parlera cinq fois. En cinq stations de deuil. Elle danse pour nous, franchit les portes de la raison, elle est prête à s’abandonner complètement, là où le dernier fil de la pensée commence à s’effilocher, là où tout est silence, lumière, et pureté. Jusqu’à l’extase de l’être et ne plus être. Jusqu’à l’éternité. Jusqu’à l’harmonie. Jusqu’à l’incarnation du divin. Qui écoute ? Qui regarde ? De qui la peau est-elle encore perméable ?
EN RÉSIDENCE DE CRÉATION
ET
DU VEN.2 AU JEU.8 AVR.
PETITE SALLE
Plein tarif | Tarif réduit | Tarif abonné | Tarif abonné réduit | Tarif -12 ans | ||
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TS | 36 | 29 | 29 | 25 | 18 | € |
A | 29 | 24 | 24 | 14 | 10 | € |
B | 23 | 18 | 18 | 10 | 8 | € |
P&G | 10 | 10 | 10 | 10 | 8 | € |
TAS | Tarif L'Auditorium Seynod Téthys (21 € / 14 € / 12 € / 10 € / 7 €) |
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TAS | Tarif L'Auditorium Seynod Rebelle(s) sans cause (10 € / 7 € / 7 € / 7 € / 7 €) |
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TBG | Tarif Le Brise Glace (23 € / 21 € / 19 € / 17 € / 17 €) |
- Distributions
Crédits - INTERVIEW JAN FABRE
THE FLUID FORCE OF LOVE
texte, mise en scène, et chorégraphie Jan Fabre
texte Jan Fabre
musique Hao Wu
interprètes Sylvia Camarda, Annabelle Chambon, Cédric Charron, Conor Doherty, Stella Höttler, Ivana Jozić, Pietro Quadrino, Matteo Sedda, Irene Urciuoli
scénographie & costumes Jan Fabre
dramaturgie et assistante à la mise en scène Miet Martens
lumière Wout Janssens
technicien Wout Jansens
production manager Alma Auer
business coordinator Joost Claes
diffusion internationale Laurent Langlois
•
production Troubleyn/Jan Fabre (BE)
coproduction Bonlieu Scène nationale Annecy (FR), Charleroi danse, Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles (BE), Teatro Central Sevilla (ES) et Perpodium (BE)
avec le soutien de la Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge | Jan Fabre est soutenu par le ministère de la Culture de la communauté flamande
RESURREXIT CASSANDRA
concept, mise en scène Jan Fabre
texte Ruggero Cappuccio
musique originale Arthur Lavandier (musique enregistrée)
actrice / danseuse Stella Höttler
voix masculine Cédric Charron
Film Schande übers ganze Erdenreich! (2018) Jan Fabre/Angelos (Antwerpen, BE)
dramaturgie Mark Geurden
lumières Jan Fabre, Wout Janssens
costumes Jan Fabre, Kasia Mielczarek
assistante mise en scène & répétitrice Lore Borremans
technique Wout Janssens, Geert Van der Auwera
Film Schande übers ganze Erdenreich! (2018): Jan Fabre/Angelos (Antwerpen, BE)
•
production Troubleyn/Jan Fabre (Antwerpen, BE)
coproduction TANDEM Scène nationale (Arras-Douai, FR), Napoli Teatro Festival (Napels, IT), Bolshoi Drama Theatre (Saint-Petersburg, RU)
Né à Anvers en 1958, ayant entamé son activité artistique à la fin des années 1970, Jan Fabre développe une œuvre protéiforme au croisement des arts plastiques, de l’écriture, du théâtre, de la danse et de la performance. Coutumier des projets scéniques hors normes (à l’instar du récent Mount Olympus, long de 24 heures), souvent polémiques, il fait partie de cette génération de metteurs en scène et chorégraphes flamands qui ont insufflé un puissant vent de renouveau dans le champ du spectacle vivant.
Apparemment sans limites, son imagination et son énergie créatrice peuvent se déployer pleinement dans l’enceinte du Laboratorium. Tel est le nom donné par Jan Fabre au vaste bâtiment (environ 2500m²) mis à sa disposition par la municipalité d’Anvers. Superbement réaménagé, ce lieu est d’autant plus inspirant qu’il est parsemé d’œuvres d’art conçues spécifiquement pour le site : un parfait laboratoire de la création pour Troubleyn, la compagnie de Jan Fabre – Troubleyn étant le nom de famille de sa mère.
Dans le cadre d’un focus sur l’œuvre de Jan Fabre, le FAB propose de découvrir trois spectacles récents : Preparatio Mortis, solo créé en 2010, The Generosity of Dorcas, solo créé en juin dernier (et présenté en première française), et Belgian rules/Belgium rules, formidable pièce-fleuve créée en 2017 et entièrement dédiée à la Belgique.
Le concept de beauté occupe une place prépondérante dans votre art et dans votre vie. Quelle définition donneriez-vous de la beauté ? Et en quoi est-elle si importante à vos yeux ?
Pour moi, ce n’est pas qu’une question d’esthétique. Sinon, il ne s’agirait que de maquillage. La beauté telle que je la conçois se fonde sur la conjonction profonde de valeurs éthiques et de principes esthétiques. Par ailleurs, je la vois comme quelque chose de très fragile, semblable à un papillon : si on l’attrape, on risque de la détruire. En tant qu’artiste, je dois défendre la vulnérabilité de la beauté et de l’espèce humaine. Je peux trouver de la beauté partout dans le monde d’aujourd’hui car je crois fondamentalement en la beauté et en l’humanité.
Vous avez l’habitude de présenter vos interprètes comme des « guerriers de la beauté ». Comment les entraînez-vous ? Sont-ils astreints à une discipline spécifique ?
Oui, bien sûr. Au fil du temps, j’ai développé non pas une méthode mais plutôt une sorte de ligne, dans l’esprit d’Artaud. Si vous lisez Artaud aujourd’hui, il apparaît toujours contemporain parce qu’il n’énonce pas de méthode mais propose une ligne de conduite philosophique. Au sein de Troubleyn, je m’attache depuis quarante ans à appliquer une ligne de conduite avec mes acteurs et mes danseurs. Je leur fais faire des exercices, je les initie à ce que j’appelle « le jeu physiologique ». Cet entraînement amène à prendre conscience que les émotions ne sont pas psychologiques mais résultent d’impulsions physiologiques, à mieux comprendre comment fonctionne le corps humain. Le concept d’acteur ou de danseur m’apparaît comme un concept bourgeois du 19ème siècle. Les membres de ma compagnie sont des performeurs contemporains qui suivent un apprentissage très large (danse moderne et classique, arts performatifs, arts visuels…) et s’interrogent sur la place du corps dans le monde et dans l’Histoire.
Il y a quelque chose de très physique, organique, dans votre pratique artistique. Le corps humain semble susciter en vous une curiosité – voire une fascination – inépuisable.
Le corps est la mesure humaine de tout. Il a toujours été le sujet premier de ma recherche artistique. Tout, dans le corps humain, m’intéresse et m’inspire, des organes aux muscles en passant par le sang, le sperme, le squelette ou le cerveau – autour duquel j’ai conçu l’exposition Ma nation : l’imagination pour la Fondation Maeght.
Vos œuvres sont souvent présentées comme scandaleuses ou provocantes et peuvent susciter des réactions très violentes. Comment vous situez-vous par rapport à cela ?
Je n’ai jamais eu la volonté de provoquer au long de mon cheminement d’artiste. Mes œuvres procèdent d’une recherche et d’une nécessité. S’il arrive qu’elles soient jugées provocantes, cela résulte d’une incompréhension. Par ailleurs, sous le mot « provocation » on peut aussi entendre la stimulation de l’esprit, l’incitation à la pensée et à la réflexion. Dans ce sens, la provocation est une chose positive.
Selon vous, quel rôle joue le théâtre – ou l’art en général – dans le monde moderne ?
Je suis un artiste naïf, qui pense que l’art a du pouvoir dans la société et que la société a besoin de l’art et des artistes. Si vous lui enlevez l’art, la société va s’autodétruire. Une société en bonne santé prend toujours soin des artistes, des philosophes et des scientifiques. Une démocratie doit toujours défendre ces individus car ils posent les bonnes questions à la société et ils en soignent les plaies. Pour moi, l’art et la beauté ont une fonction spirituelle fondamentale dans nos sociétés. A rebours du cynisme, tout mon art se fonde sur cette intime conviction.
Votre compagnie travaille depuis le début des années 2000 au sein du Laboratorium. Que vous apporte ce lieu ?
A travers les années, j’ai fait le choix de ne pas trop m’adapter au système du théâtre et de l’art. J’ai accepté ce bâtiment pour pouvoir y jouir d’une forme de souveraineté. Ces dernières années, j’ai ainsi pu travailler durant un an avec vingt-quatre personnes sur un projet tel que Mount Olympus. Quelle autre compagnie dans le monde peut se permettre ça ? C’est un choix politique, difficile à tenir sur le plan économique car tout le système vous presse pour produire régulièrement et rapidement, pour rapporter de l’argent. Je ne conçois pas l’art de cette façon. Pour moi, il est essentiel d’avoir du temps afin de pouvoir creuser un projet, d’aller toujours plus en profondeur. Je peux prendre jusqu’à deux ou trois ans pour préparer une exposition, par exemple.
Venons-en maintenant aux pièces présentées durant le FAB, en débutant par Belgium rules/Belgian rules. Comment cette pièce a-t-elle vu le jour et à quel désir répond-elle ?
C’est un projet que j’avais en tête depuis des années. Il me tient à cœur pour une raison simple : j’aime la Belgique. J’aime aussi la monarchie et je suis contre le nationalisme d’extrême-droite, contre les gens qui veulent détruire le pays. La monarchie me semble le meilleur rempart contre la dérive vers l’extrême-droite que l’on observe actuellement en Europe. Je voulais proposer une célébration critique de la Belgique. La pièce se montre ainsi très critique, notamment au sujet des rapports qu’entretient la Belgique avec ses anciennes colonies, mais elle exprime aussi une forte empathie. Malgré ses travers, j’aime ce petit pays au bord de la mer du Nord, à la fois beau, bizarre et fou. Je suis encore plus attaché à Anvers, cette ville de nulle part dans un pays de nulle part. En outre, en tant qu’artiste, je me sens intimement lié aux grands maîtres flamands du passé : Bosch, Rubens, van Dyck, van Eyck, Memling…
Au programme du FAB figure également Preparatio Mortis. En dépit de son titre et de son dispositif scénique, évoquant un mausolée bordé de fleurs multicolores, la pièce apparaît comme une ode à la vie et à l’épanouissement.
Oui, tout à fait. C’est une pièce sur la vie, sur la nécessité d’accepter la mort pour atteindre la vie. Je l’ai créée spécialement pour Annabelle Chambon, qui est membre de ma compagnie depuis près de vingt ans. Annabelle est une interprète fantastique. Elle a en particulier vraiment le talent de la métamorphose physique.
Pour finir, parlons de The Generosity of Dorcas, la troisième pièce programmée au FAB et votre dernière création en date. D’où est venue l’idée de cette pièce ?
Tout d’abord et tout simplement, de l’envie de créer un solo pour Matteo Sedda, avec qui je travaille depuis quatre ou cinq ans. Matteo possède une intelligence physiologique incroyable. Par ailleurs, c’est quelqu’un de très généreux, gentil, ouvert, qui prend soin des autres et de la vie. En moi, sa personnalité a fait écho à la figure biblique de Dorcas, une femme d’une générosité extrême qui fabrique des vêtements à partir de ses propres vêtements pour les donner aux pauvres. Je crée des solos uniquement pour des interprètes qui m’inspirent et stimulent ma créativité. Je me vois comme un serviteur de la beauté et comme un serviteur de ces grands performeurs.
Propos recueillis par Jérôme Provençal
Distributions Crédits
THE FLUID FORCE OF LOVE
texte, mise en scène, et chorégraphie Jan Fabre
texte Jan Fabre
musique Hao Wu
interprètes Sylvia Camarda, Annabelle Chambon, Cédric Charron, Conor Doherty, Stella Höttler, Ivana Jozić, Pietro Quadrino, Matteo Sedda, Irene Urciuoli
scénographie & costumes Jan Fabre
dramaturgie et assistante à la mise en scène Miet Martens
lumière Wout Janssens
technicien Wout Jansens
production manager Alma Auer
business coordinator Joost Claes
diffusion internationale Laurent Langlois
•
production Troubleyn/Jan Fabre (BE)
coproduction Bonlieu Scène nationale Annecy (FR), Charleroi danse, Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles (BE), Teatro Central Sevilla (ES) et Perpodium (BE)
avec le soutien de la Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge | Jan Fabre est soutenu par le ministère de la Culture de la communauté flamande
RESURREXIT CASSANDRA
concept, mise en scène Jan Fabre
texte Ruggero Cappuccio
musique originale Arthur Lavandier (musique enregistrée)
actrice / danseuse Stella Höttler
voix masculine Cédric Charron
Film Schande übers ganze Erdenreich! (2018) Jan Fabre/Angelos (Antwerpen, BE)
dramaturgie Mark Geurden
lumières Jan Fabre, Wout Janssens
costumes Jan Fabre, Kasia Mielczarek
assistante mise en scène & répétitrice Lore Borremans
technique Wout Janssens, Geert Van der Auwera
Film Schande übers ganze Erdenreich! (2018): Jan Fabre/Angelos (Antwerpen, BE)
•
production Troubleyn/Jan Fabre (Antwerpen, BE)
coproduction TANDEM Scène nationale (Arras-Douai, FR), Napoli Teatro Festival (Napels, IT), Bolshoi Drama Theatre (Saint-Petersburg, RU)
INTERVIEW JAN FABRE
Né à Anvers en 1958, ayant entamé son activité artistique à la fin des années 1970, Jan Fabre développe une œuvre protéiforme au croisement des arts plastiques, de l’écriture, du théâtre, de la danse et de la performance. Coutumier des projets scéniques hors normes (à l’instar du récent Mount Olympus, long de 24 heures), souvent polémiques, il fait partie de cette génération de metteurs en scène et chorégraphes flamands qui ont insufflé un puissant vent de renouveau dans le champ du spectacle vivant.
Apparemment sans limites, son imagination et son énergie créatrice peuvent se déployer pleinement dans l’enceinte du Laboratorium. Tel est le nom donné par Jan Fabre au vaste bâtiment (environ 2500m²) mis à sa disposition par la municipalité d’Anvers. Superbement réaménagé, ce lieu est d’autant plus inspirant qu’il est parsemé d’œuvres d’art conçues spécifiquement pour le site : un parfait laboratoire de la création pour Troubleyn, la compagnie de Jan Fabre – Troubleyn étant le nom de famille de sa mère.
Dans le cadre d’un focus sur l’œuvre de Jan Fabre, le FAB propose de découvrir trois spectacles récents : Preparatio Mortis, solo créé en 2010, The Generosity of Dorcas, solo créé en juin dernier (et présenté en première française), et Belgian rules/Belgium rules, formidable pièce-fleuve créée en 2017 et entièrement dédiée à la Belgique.
Le concept de beauté occupe une place prépondérante dans votre art et dans votre vie. Quelle définition donneriez-vous de la beauté ? Et en quoi est-elle si importante à vos yeux ?
Pour moi, ce n’est pas qu’une question d’esthétique. Sinon, il ne s’agirait que de maquillage. La beauté telle que je la conçois se fonde sur la conjonction profonde de valeurs éthiques et de principes esthétiques. Par ailleurs, je la vois comme quelque chose de très fragile, semblable à un papillon : si on l’attrape, on risque de la détruire. En tant qu’artiste, je dois défendre la vulnérabilité de la beauté et de l’espèce humaine. Je peux trouver de la beauté partout dans le monde d’aujourd’hui car je crois fondamentalement en la beauté et en l’humanité.
Vous avez l’habitude de présenter vos interprètes comme des « guerriers de la beauté ». Comment les entraînez-vous ? Sont-ils astreints à une discipline spécifique ?
Oui, bien sûr. Au fil du temps, j’ai développé non pas une méthode mais plutôt une sorte de ligne, dans l’esprit d’Artaud. Si vous lisez Artaud aujourd’hui, il apparaît toujours contemporain parce qu’il n’énonce pas de méthode mais propose une ligne de conduite philosophique. Au sein de Troubleyn, je m’attache depuis quarante ans à appliquer une ligne de conduite avec mes acteurs et mes danseurs. Je leur fais faire des exercices, je les initie à ce que j’appelle « le jeu physiologique ». Cet entraînement amène à prendre conscience que les émotions ne sont pas psychologiques mais résultent d’impulsions physiologiques, à mieux comprendre comment fonctionne le corps humain. Le concept d’acteur ou de danseur m’apparaît comme un concept bourgeois du 19ème siècle. Les membres de ma compagnie sont des performeurs contemporains qui suivent un apprentissage très large (danse moderne et classique, arts performatifs, arts visuels…) et s’interrogent sur la place du corps dans le monde et dans l’Histoire.
Il y a quelque chose de très physique, organique, dans votre pratique artistique. Le corps humain semble susciter en vous une curiosité – voire une fascination – inépuisable.
Le corps est la mesure humaine de tout. Il a toujours été le sujet premier de ma recherche artistique. Tout, dans le corps humain, m’intéresse et m’inspire, des organes aux muscles en passant par le sang, le sperme, le squelette ou le cerveau – autour duquel j’ai conçu l’exposition Ma nation : l’imagination pour la Fondation Maeght.
Vos œuvres sont souvent présentées comme scandaleuses ou provocantes et peuvent susciter des réactions très violentes. Comment vous situez-vous par rapport à cela ?
Je n’ai jamais eu la volonté de provoquer au long de mon cheminement d’artiste. Mes œuvres procèdent d’une recherche et d’une nécessité. S’il arrive qu’elles soient jugées provocantes, cela résulte d’une incompréhension. Par ailleurs, sous le mot « provocation » on peut aussi entendre la stimulation de l’esprit, l’incitation à la pensée et à la réflexion. Dans ce sens, la provocation est une chose positive.
Selon vous, quel rôle joue le théâtre – ou l’art en général – dans le monde moderne ?
Je suis un artiste naïf, qui pense que l’art a du pouvoir dans la société et que la société a besoin de l’art et des artistes. Si vous lui enlevez l’art, la société va s’autodétruire. Une société en bonne santé prend toujours soin des artistes, des philosophes et des scientifiques. Une démocratie doit toujours défendre ces individus car ils posent les bonnes questions à la société et ils en soignent les plaies. Pour moi, l’art et la beauté ont une fonction spirituelle fondamentale dans nos sociétés. A rebours du cynisme, tout mon art se fonde sur cette intime conviction.
Votre compagnie travaille depuis le début des années 2000 au sein du Laboratorium. Que vous apporte ce lieu ?
A travers les années, j’ai fait le choix de ne pas trop m’adapter au système du théâtre et de l’art. J’ai accepté ce bâtiment pour pouvoir y jouir d’une forme de souveraineté. Ces dernières années, j’ai ainsi pu travailler durant un an avec vingt-quatre personnes sur un projet tel que Mount Olympus. Quelle autre compagnie dans le monde peut se permettre ça ? C’est un choix politique, difficile à tenir sur le plan économique car tout le système vous presse pour produire régulièrement et rapidement, pour rapporter de l’argent. Je ne conçois pas l’art de cette façon. Pour moi, il est essentiel d’avoir du temps afin de pouvoir creuser un projet, d’aller toujours plus en profondeur. Je peux prendre jusqu’à deux ou trois ans pour préparer une exposition, par exemple.
Venons-en maintenant aux pièces présentées durant le FAB, en débutant par Belgium rules/Belgian rules. Comment cette pièce a-t-elle vu le jour et à quel désir répond-elle ?
C’est un projet que j’avais en tête depuis des années. Il me tient à cœur pour une raison simple : j’aime la Belgique. J’aime aussi la monarchie et je suis contre le nationalisme d’extrême-droite, contre les gens qui veulent détruire le pays. La monarchie me semble le meilleur rempart contre la dérive vers l’extrême-droite que l’on observe actuellement en Europe. Je voulais proposer une célébration critique de la Belgique. La pièce se montre ainsi très critique, notamment au sujet des rapports qu’entretient la Belgique avec ses anciennes colonies, mais elle exprime aussi une forte empathie. Malgré ses travers, j’aime ce petit pays au bord de la mer du Nord, à la fois beau, bizarre et fou. Je suis encore plus attaché à Anvers, cette ville de nulle part dans un pays de nulle part. En outre, en tant qu’artiste, je me sens intimement lié aux grands maîtres flamands du passé : Bosch, Rubens, van Dyck, van Eyck, Memling…
Au programme du FAB figure également Preparatio Mortis. En dépit de son titre et de son dispositif scénique, évoquant un mausolée bordé de fleurs multicolores, la pièce apparaît comme une ode à la vie et à l’épanouissement.
Oui, tout à fait. C’est une pièce sur la vie, sur la nécessité d’accepter la mort pour atteindre la vie. Je l’ai créée spécialement pour Annabelle Chambon, qui est membre de ma compagnie depuis près de vingt ans. Annabelle est une interprète fantastique. Elle a en particulier vraiment le talent de la métamorphose physique.
Pour finir, parlons de The Generosity of Dorcas, la troisième pièce programmée au FAB et votre dernière création en date. D’où est venue l’idée de cette pièce ?
Tout d’abord et tout simplement, de l’envie de créer un solo pour Matteo Sedda, avec qui je travaille depuis quatre ou cinq ans. Matteo possède une intelligence physiologique incroyable. Par ailleurs, c’est quelqu’un de très généreux, gentil, ouvert, qui prend soin des autres et de la vie. En moi, sa personnalité a fait écho à la figure biblique de Dorcas, une femme d’une générosité extrême qui fabrique des vêtements à partir de ses propres vêtements pour les donner aux pauvres. Je crée des solos uniquement pour des interprètes qui m’inspirent et stimulent ma créativité. Je me vois comme un serviteur de la beauté et comme un serviteur de ces grands performeurs.
Propos recueillis par Jérôme Provençal